Les échecs scolaires
L’autre lieu où la surdouance et les dyssynchronies vont poser problème sera l’école. En effet l’enfant surdoué est mal supporté par celle-ci.
Le comportement
Il est très fréquent qu’il déclenche l’hostilité de ses camarades de classes et enseignants. Ces réussites et ses facilités le font jalouser par ses condisciples bien moins doués. Ses questions incessantes, ses objections trop pertinentes, son insatiable curiosité entrainent souvent des réactions de rejet de la part des enseignants.
Il est de plus considéré comme inattentif, car, dans les premiers niveaux d’école, l’enfant surdoué comprend instantanément et occupe son temps par des intérêts souvent éloignés du thème de la leçon. Les professeurs supportent mal cela, d’autant plus que l’enfant est parfaitement capable de montrer qu’il a compris lorsqu’on l’interroge.
Le manque de méthode
En raison de ses facilités, l’enfant surdoué n’a pas besoin de passer par les exercices habituels pour s’approprier les savoirs. Aussi il n’acquiert pas la méthode de travail, ce qui peut conduire à l’échec scolaire aux alentours de la 3éme ou de la seconde. Cet échec est d’autant plus mal vécu sur le plan psychologique qu’il est habitué à une brillante réussite sans effort.
Néanmoins, à ces élèves brillants dès le départ, il faut opposer la fraction d’enfants surefficients présentant d’importantes difficultés dès leur entrée à l’école. Ici leurs dyssynchronies y jouent un rôle moins important que la spécificité de leur architecture cérébrale en arborescence.
L’interprétation littérale des mots
Ce défaut de compréhension, très courant chez les surdoués, montre à quel point le sens est essentiel, et que le mot doit être employé dans sa signification la plus précise. Le besoin absolu de maîtrise et de sens conduit à cette nécessité impérieuse de considérer le mot tel un « objet » aux contours bien marqués, ne supposant ni doute, ni incertitude.
Ce processus est à l’origine de nombreuses incompréhensions chez les parents et enseignants, et conduit à de nombreux conflits familiaux et échecs scolaires.
Citons, en exemple, 2 cas décrits par Jeanne Siaud-Facchin dans son article « Comprendre les difficultés d’apprentissage de l’enfant surdoué » :
– Lors d’un contrôle d’histoire en CM2, à la question « Que penses-tu de l’évolution de l’Homme », un enfant surdoué a répondu « Je pense que c’est bien pour l’Homme » alors qu’il était implicite pour tous les autres élèves – et l’enseignant – qu’il fallait réciter le cours sur l’évolution de l’Homme et non citer son avis personnel sur le sujet.
– Lors d’un contrôle de géométrie, toujours en CM2, la consigne était donnée en ces termes,
« Faites les figures suivantes : triangle isocèle, carré, losange » ; là encore, l’implicite pour tous attendait de tracer ces figures sur le papier, l’enfant surdoué lui n’a pas su anticiper ce sens du mot « faire » et à comprit l’exercice comme « faire » au sens de fabriquer. Et a rapporté ses figures – correctement réalisées par ailleurs – attachée avec un trombone.
Le raisonnement logico-mathématique
C’est un des éléments les plus révélateurs du fonctionnement cognitif hors normes de l’enfant surdoué : il montre dans un même temps la compétence arithmétique et la singularité du raisonnement utilisé.
Les arborescences cérébrales de son hémisphère droit vont produire en un laps de temps très court une réponse – juste le plus souvent – que l’enfant ne pourra pas justifier. Car les procédures de raisonnements lui demeurent inaccessibles (et donc inexplicables), c’est pour cela que ce type de réflexion est qualifiée d’intuitive. La réponse « apparait » sur son écran mental sans qu’il ait pu prendre conscience du cheminement à l’origine de la réponse.
C’est une fonction résultant de cette architecture en arborescence : des associations et des activations de données se sont produites en deçà du seuil de conscience. Pour l’enfant, ce résultat est évident.
Le nœud du problème est que cette compétence est inacceptable dans le cadre scolaire : un enseignant peut difficilement admettre que l’on puisse obtenir un résultat exact sans en démontrer le raisonnement. Et l’élève sera pénalisé pour ce fonctionnement naturel, car dans l’enseignement secondaire, la démonstration, et la compréhension de celle-ci priment sur le résultat – qu’il soit juste ou faux.
La capacité à sélectionner une information pertinente
La capacité de sélectionner une information pertinente, c’est-à-dire parmi toutes les données
possibles, repérer celle qui va permettre de répondre correctement à la question posée, est la condition indispensable à un fonctionnement intellectuel efficace.
Or l’arborescence cérébrale de l’enfant surdoué va compliquer sensiblement la chose. Face à ces arbres de pensées qui vont s’activer simultanément et se démultiplier, l’enfant ne va pas réussir à stopper le processus et à choisir la connaissance qui sera le plus adaptée à la situation.
Cette suractivation des réseaux associatifs rend souvent l’enfant impuissant à produire des devoirs structurés : copie mal rédigée, mal structurée, dans un style bâclé, souvent incompréhensible et illisible… Alors que sa pensée riche et puissante avait bien été activée à la lecture du sujet.
Conclusion
Un trouble d’apprentissage – quel qu’il soit – est un réel handicap sur le parcours scolaire de l’enfant (de plus lorsqu’il est surdoué) dont les répercussions dépassent le plus souvent le cadre strict des apprentissages. Les enjeux actuels de la réussite scolaire et la pression sociale ont transformé l’apprentissage en « théâtre » sur lequel se joue l’avenir professionnel, psychologique et social de l’enfant.
La souffrance est toujours associée à ces difficultés d’acquisition des connaissances, et les difficultés scolaires sont les premiers signes par lesquels l’enfant exprime sa souffrance. Les pouvoirs publics, les parents, les soignants et les enseignants doivent être sensibilisés à ces difficultés, et aux spécificités des enfants surdoués. Non pas pour reconnaître en eux une quelconque supériorité et faire de l’élitisme, mais tout simplement pour que ces enfants puissent apprendre sereinement avec cette différence, trop souvent vécue comme un boulet à leurs pieds, et qu’ils parviennent, espérons-le, à en faire une force.
Mais aider un enfant surdoué en échec scolaire est une chose complexe. L’école y a un rôle à jouer bien sûr, mais les parents aussi. Le point préliminaire est d’identifier les difficultés que rencontre l’enfant : il peut s’agir de haut potentiel ou de difficultés autres. Une fois la surefficience mentale détectée, il est nécessaire de rassurer l’enfant sur son « problème » ; puis ensuite envisager différentes solutions.
Il est possible d’opter pour une école spécialisée ou une pédagogie différente, l’école de la nativité (article de La Provence) accueille les enfants surdoués et les regroupe dans des classes spécialisées pour s’adapter au mieux aux spécificités de ces enfants particuliers. La pédagogie Montessori, basé sur le postulat que l’éducation est une aide à la vie en respectant l’enfant et ses rythmes propres (liberté de choix de l’activité, autodiscipline, apprentissage basé sur l’expression, progression à son propre rythme…) semblent intéressantes afin de développer l’harmonie de l’enfant surdoué et le respect (des autres et de soi-même).
Le principal problème est que ces écoles sont le plus souvent privées (car l’État ne dispose pas des moyens nécessaires pour ouvrir des classes spécialisées, ou ne reconnaît pas de pédagogie différente de la sienne) donc payante… frais que les parents ne peuvent pas nécessairement assurer.
Si l’on souhaite maintenir l’enfant dans l’éducation publique, la solution la plus souvent mise en avant est le saut de classe, mais il doit être réfléchi, car une étude montre que cela augmente l’anxiété chronique chez ces enfants déjà handicapés par leur hypersensibilité.
Pour que cela s’avère efficace, enseignants et parents devront participer. Les enseignants doivent respecter le mécanisme de pensée hors norme de ces enfants afin de permettre aux petits zèbres de s’intégrer et de s’épanouir dans la classe. Les parents doivent apprendre à l’enfant à accepter cette différence : il doit comprendre que les autres enfants ne sont pas toujours aussi rapides que lui, qu’ils ont des centres d’intérêt différents, qu’il ne peut pas toujours faire les choses comme il les a imaginés ; et il doit apprendre les efforts, les échecs, et donc la maîtrise de ce cerveau si particulier.
Bibliographie
Articles de journaux :
– Comment savoir si mon enfant est surdoué, Le figaro.fr, rubrique santé, le 7/11/11 par
Damien Mascret (voir ci-après).
– Au secours, j’ai un QI trop gros, Marianne, rubrique enquête, le 7/04/12 par Élodie Émery
(publié sur le site de cogito’z : http://www.cogitoz.com/Upload/Downloads/Media_2012_7avril_MARIANNE.pdf ).
– À la Nativité, les enfants précoces ont trouvé leur voie, La Provence (quotidien d’Aix-En- Provence) par Emmanuelle El Baz, 2008 (publié sur le site de cogito’z :
http://www.cogitoz.com/Upload/Downloads/media_2008_sept.pdf ).
Sites internet :
Centre français de diagnostic et de prise en charge des troubles des apprentissages scolaires
(Marseille, Paris), fondé par Jeanne Siaud-Facchin www.cogitoz.fr
Les tribulations d’un petit zèbre www.tribulationsdunpetitzebre.fr
Livres grand public :
– Je pense trop, comment maitriser ce mental envahissant, Christel Petitcollin, Guy Trédaniel
Éditeur, juillet 2012
– L’enfant surdoué, l’aider à grandir, l’aider à réussir, Jeanne Siaud-Facchin, Éditions Odile
Jacob, 2002.
Mémoires de master (dans le cadre de la formation au
métier de professeur des écoles) :
– Résilience scolaire et éducation familiale chez les enfants à haut potentiel, Sandrine Barnola
Reneuve, 2011/2012, Université de Rouen.
– L’impact du contexte familial et du contexte scolaire sur l’estime de soi des enfants à haut potentiel, Camille Goubet, novembre 2012, IUFM Lille.
Articles scientifiques de recherche :
– Mais qui sont vraiment ces enfants surdoués ? , Jeanne Siaud-Facchin, 2007, Elsevier
Masson, collection archives de pédiatrie.
– Les caractéristiques émotionnelles des enfants à haut potentiel, G. H. Guignard and al, 2004,
Elsevier Masson, collection psychologie française.
– Les enfants intellectuellement précoces, J. C. Terrassier, 2009, Elsevier Masson, collection pédiatrie au quotidien.
– Comprendre les difficultés d’apprentissage de l’enfant surdoué : un fonctionnement intellectuel singulier, Jeanne Siaud-Facchin, 2004, Elsevier Masson, collection neuropsychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.
– Les échecs scolaires chez les enfants surdoués, B. Gibello, 1997, Elsevier Masson, journal de puériculture et de pédiatrie.
– Quand l’intelligence élevée fragilise la construction de l’identité, Jeanne Siaud-Facchin,
Elsevier Masson (pas d’autres références disponibles).
– À la rencontre des difficultés présentées par les enfants surdoués, Dr. S. Tordjman, 2007,